Droits des migrants
En vertu du droit international, les migrants ont des droits en raison de leur humanité. Les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, ou les traités et documents tels que les déclarations, s’appliquent à tous et donc aux migrants. Il existe également un certain nombre d’instruments internationaux qui visent spécifiquement à assurer la protection des migrants ainsi que leurs droits. En outre, une certaine attention a récemment été accordée aux obligations des Etats, en vertu du droit international des droits de l’Homme, envers les migrants décédés ou portés disparus et à leurs familles (Grant, 2016).
Les droits des migrants peuvent être évalués en prenant en compte les droits accordés aux migrants en principe et en pratique. La première méthode est relativement simple et porte sur les ratifications de traités internationaux et régionaux et sur les documents juridiques nationaux visant à protéger les migrants, tandis que la seconde nécessite d’examiner la mise en œuvre des droits, c’est-à-dire si les droits des migrants sont effectivement maintenus et appliqués. La mesure des droits accordés aux migrants dans la pratique est limitée par le manque de données, d’informations et de ressources, ainsi que par le grand nombre de droits nécessitant une évaluation.
Définition
Les droits des migrants sont ceux qui sont implicitement ou explicitement exprimés dans les instruments internationaux des droits de l’homme (voir liste 1 ci-dessous) et d’autres droits publics (voir liste 2 ci-dessous). Evaluer les droits des migrants en suivant une approche exclusivement fondée sur les droits de l’homme, c’est-à-dire qui ne prend en compte que les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme – ne permet pas d’englober l’ensemble des droits des migrants fondés sur d’autres instruments. D’autre part, une approche fondée sur les droits tient compte du fait que les droits des migrants sont principalement accordés par le droit des droits de l’homme, ainsi que par des traités d’autres branches du droit international public, y compris, mais sans s’y limiter :
- Le droit des réfugiés ;
- Le droit pénal transnational, notamment les traités relatifs à la traite d’êtres humains et au trafic de migrants ;
- Le droit humanitaire et
- Le droit du travail.
Bien que les droits des migrants découlent du droit coutumier (ce qui signifie qu’il s’agit d’une pratique étatique largement acceptée), cette page thématique se concentre sur le droit conventionnel.
Tendances principales
Les droits des migrants sont apparus comme faisant partie du cadre juridique international des droits de l'homme, codifié après la Seconde Guerre mondiale dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et les traités ultérieurs sur les droits de l'homme adoptés par les États. En effet, les droits de l'homme ne sont pas seulement les droits des ressortissants nationaux, mais les droits appartenant à tous les individus qui sont sous la juridiction d'un Etat (c'est-à-dire tous les individus qui se trouvent sur le territoire des États ou sous le contrôle effectif des agents de l'Etat). Le principe de non-refoulement (qui protège du refoulement toutes les personnes qui courent un risque réel d'atteinte irréparable à leur vie, à leur intégrité corporelle ou à d'autres violations graves des droits de l'homme si elles sont renvoyées dans leur pays d'origine) a été codifié dans la Convention relative au statut des réfugiés et son protocole, ainsi que dans la Convention contre la torture. Il est depuis considéré comme faisant partie du droit international coutumier et absolu. Cela signifie que ce principe de non-refoulement s'applique à tout moment lorsque ses critères d'application sont remplis, et ne peut jamais être suspendu ou limité, même en période de crise ou d'état d'urgence. S'il est difficile d'identifier des "tendances" dans les droits accordés spécifiquement aux migrants dans des instruments internationaux distincts, les listes ci-dessus mettent en évidence le calendrier des ratifications des traités internationaux relatifs aux droits des migrants. La plupart des traités ont été ratifiés avant 2000. Le traité le plus récent, la Convention concernant le travail décent des employés de maison, qui est de la plus haute importance pour de nombreux travailleurs migrants, a été adopté en 2011.
Plusieurs des traités ci-dessus ont connu un nombre important de ratifications au cours des dernières années et beaucoup ont été largement ratifiés par les Etats. Notamment, étant donné que les droits de l'homme fondamentaux sont également les droits des migrants, tous les Etats ont ratifié au moins l’un des traités fondamentaux relatifs aux droits de l'homme et 80 % en ont ratifié 4 ou plus.
Pour connaître l'état de ratification des traités relatifs aux droits de l'homme, consulter : https://indicators.ohchr.org/
Pour vérifier l'état de ratification des traités internationaux, visitez :https://treaties.un.org/Pages/ParticipationStatus.aspx?clang=_fru
Bien qu'il soit actuellement difficile d’évaluer les droits des migrants dans la pratique, l'inclusion des questions liées à la migration dans les objectifs de développement durable (ODD) et l'adoption du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières en 2018 pourraient permettre de mieux évaluer le respect par les Etats de leurs obligations juridiques internationales dans le contexte de la migration. En outre, l’Indicateurs sur la Gouvernance de la Migration (IGM), un outil politique qui évalue la gouvernance des migrations aux niveaux national et local, inclut les droits des migrants comme l'un des six domaines de gouvernance des migrations qu'il évalue. Le MGI, par exemple, examine dans quelle mesure les migrants dans les pays et dans les villes ont le même statut que les citoyens en termes d'accès aux services sociaux de base tels que la santé, l'éducation et la sécurité sociale. Voir plus
Sources des données
Plusieurs normes ou lignes directrices ont été publiées pour développer des données sur les droits des migrants. On peut citer notamment :
• Les Recommandations des Nations Unies en matière de statistiques des migrations internationales (1998)
• Les Principes et recommandations des Nations Unies concernant les recensements de la population et des logements (2008)
• Les observations générales et recommandations adoptées par les organes de traités concernant les droits des migrants.
Il existe également diverses sources de données qui permettent de mesurer les droits des migrants en principe. Ces sources de données mesurent la ratification des traités, des accords multilatéraux et des lois nationales, et sont énumérées ci-dessous.
Level | Information source |
---|---|
Mondial |
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) |
Europe | |
Afrique | Union Africane |
Amerique | |
Asie du Sud-Est |
ASEAN |
Aux fins de ce portail, les droits accordés en principe aux migrants sont mesurés au moyen des données relatives à la ratification des traités.
Il existe en outre diverses sources de données qui permettent de mesurer les droits des migrants dans la pratique. Contrairement aux sources de données qui mesurent les droits des migrants en principe – et ignorent la mise en œuvre réelle des lois internationales, régionales et nationales – les sources de données qui mesurent ces droits en pratique fournissent des cadres qui établissent des indicateurs qualitatifs et quantitatifs pour mesurer la mise en œuvre des droits des migrants. Plusieurs cadres de ce type existent :
L’Alliance mondiale pour le savoir sur les migrations et le développement fournit un cadre d’indicateurs relatifs aux droits des migrants, en particulier, les droits à la non-discrimination, à l’éducation, à la santé et à un travail décent (Hernandez, 2017). Ce cadre est fondé sur le modèle d’indicateurs développé par le HCDH (voir ci-dessous). Il existe des études de cas pour l’Argentine, la Tunisie et le Mexique.
Bien qu'ils ne soient pas uniquement axés sur les droits des migrants, les profils MGI comprennent une évaluation de la manière dont les pays et les villes régissent des questions telles que l'accès des migrants aux services sociaux de base et à la sécurité sociale, le regroupement familial, le droit au travail, la résidence à long terme et le chemin vers la citoyenneté, ainsi que la participation civile. Voir plus
Le cadre du HCDH définit des indicateurs généraux des droits de l’homme qui servent de modèle à de nombreux autres cadres d’indicateurs relatifs aux droits, bien qu’il ne concerne pas spécifiquement les droits des migrants.
L’Organisation des États américains fournit un cadre d’indicateurs pour les droits économiques, sociaux et culturels dans les Amériques.
L’OIT a mis au point des indicateurs statistiques et juridiques pour le « travail décent », qui peuvent être utiles pour évaluer les droits des travailleurs migrants.
Si ces cadres établissent des indicateurs pouvant être utilisés pour mesurer les droits des migrants dans la pratique, ils ne déterminent généralement pas quels types de données peuvent être utilisés. Pour mesurer les droits des migrants dans la pratique, l’on peut s’appuyer sur les quatre types de données suivants.
Types de données pour mesurer les droits des migrants dans la pratique :
Type de données | Description | Exemples |
Données basées sur des événements | Permettent de suivre les violations spécifiques des droits des migrants par des acteurs étatiques et non étatiques. Le dénombrement de ces événements et violations implique l’identification des différents actes ou manquements d’agir qui constituent ou conduisent à des violations des droits de l’homme. Les données peuvent inclure des communiqués de presse et des rapports des médias, du gouvernement et des ONG. |
Communiqués de presse du HCDH sur les droits des migrants et des réfugiés |
Données basées sur des jugements d’experts | Les données sont basées sur l’évaluation d’une situation en matière de droits de l’homme, réalisée avec l’aide d’un nombre limité d’experts informés qui évaluent et notent les performances des États. Elles se présentent généralement sous la forme de rapports de groupes de pression et de chercheurs universitaires. |
Rapports de Human Rights Watch sur les réfugiés et les migrants Rapports du département d’État des États-Unis sur la traite d’êtres humains
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Données issues d’enquêtes | Cette méthode recourt à des échantillons de populations de pays pour poser des questions standardisées sur la perception de la protection des droits des migrants et/ou l’expérience à cet égard. Ces données peuvent être utilisées pour créer des indicateurs socioéconomiques ou d’opinion. |
Instantanés d’enquête de North Africa Mixed Migration Hub L’initiative 4Mi (Mixed Migration Monitoring Mechanism) du secrétariat régional de la migration mixte (Regional Mixed Migration Secretariat)
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Statistiques officielles | Données collectées par des organismes officiels aux niveaux national et sousnational, sur la base de définitions et de méthodologies normalisées. Bien que ces données ne visent pas explicitement à mesurer les droits des migrants dans la pratique, elles peuvent néanmoins comprendre des informations pertinentes. Il peut s’agir de données administratives, d’enquêtes statistiques sur certains segments de la population ou de données de recensement. |
Données de la patrouille de police des frontières américaine (US Border Patrol) sur les décès à la frontière sud-ouest
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Forces et limites des données
Les sources de données qui mesurent les droits des migrants en principe permettent d’évaluer l’engagement d’un pays en faveur des droits des migrants et de comparer cet engagement entre les pays. Cependant, ces sources ne mesurent pas la mise en œuvre réelle de la protection des droits des migrants par un État.
Les sources de données qui mesurent les droits des migrants dans la pratique permettent d'évaluer plus précisément dans quelle mesure un pays respecte ses obligations internationales en matière de droits des migrants, mais il est beaucoup moins probable que ces données soient comparables d'un pays à l'autre, et les données sommaires peuvent manquer d'informations contextuelles importantes sur la situation des migrants dans un État donné. Il convient également de considérer que la production de données statistiques qui implique la collecte et la diffusion de données sur les migrants, en particulier les migrants en situation irrégulière, a des implications en ce qui concerne le droit à la vie privée, la protection des données et la confidentialité.
Les quatre types de données qui mesurent les droits des migrants dans la pratique et dont il a été question ci-dessus ont également leurs propres points forts et limites. Ces points forts et limites ne sont pas propres à la mesure des droits des migrants ; ils concernent plutôt des questions liées au type de source de données, notamment :
Type de source de données | Forces | Limites |
---|---|---|
Données basées sur des événements |
Explicitement liées à des incidents spécifiques qui démontrent la conformité ou la nonconformité aux normes en matière de droits de l’homme. Comprennent généralement des informations contextuelles importantes pour comprendre la situation des migrants dans un pays donné. |
Ne donnent pas forcément une image exhaustive des droits des migrants dans le lieu où l’événement s’est produit. Les données ne sont généralement pas comparables entre les États. L’exactitude et la qualité des données peuvent dépendre de l’auteur du rapport. |
Données basées sur des jugements d’experts | Peuvent être recueillies rapidement et sont donc utiles pour présenter une première évaluation d’une situation. | Comme les données basées sur des événements, les données basées sur des jugements d’experts manquent souvent de fiabilité et ne permettent pas la comparabilité entre les pays. |
Données issues d’enquêtes |
Permettent de suivre les expériences en matière de violation des droits au niveau individuel. Comprennent souvent des informations contextuelles importantes pour comprendre les droits des migrants. |
Comme pour d’autres types de données subjectives, les données d’enquête ne fournissent pas toujours une indication fiable des droits des migrants. Si la composition d’une communauté de migrants n’est pas connue, les limites de l’échantillon ne seront pas représentatives de l’ensemble de cette communauté. |
Statistiques officielles | Peuvent être un moyen précis et rentable de mesurer les droits des migrants dans la pratique. |
Dans les États ou régions disposant de moins de ressources, ces données ne sont pas toujours exactes ou fiables. De nombreux pays ne ventilent pas les données en fonction du statut migratoire ou de résident. Même lorsque des données ventilées sont disponibles, les différences concernant la définition de ce qui constitue un « migrant » rendent les comparaisons transnationales difficiles. |
LIRE PLUS
Hernandez, C. | |
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2017 | Chapter 14: Human Rights of Migrants. In: Handbook for Improving the Production and Use of Migration Data for Development. Global Knowledge Partnership for Migration and Development (KNOWMAD), World Bank, Washington, D.C. |
International Organization of Migration (IOM) | |
2015 | Rights-based approach to programming. IOM, Geneva. |
Office of the High Commissioner for Human Rights (OHCHR) | |
2012 | Human Rights Indicators: A Guide to Measurement and Implementation. OHCHR, Geneva. |
Ceriani Cernadas, P., M. LeVoy and L. Keith | |
2015 | Human Rights Indicators for Migrants and their Families. KNOMAD Working Paper 5, KNOMAD, Washington D.C. |
KNOMAD | |
2015 | Human Rights Indicators for Migrants and their Families: Overview. KNOMAD, Washington, D.C. |
United Nations Development Programme, UNDP | |
2006 | Indicators for Human Rights-based Approaches to Development in UNDP Programming: A Users Guide. UNDP, New York. |
Córdova Alcaraz, R. | |
2017 | Human Rights Indicators for Migrants in Mexico: National Consultation Report. KNOMAD Working Paper 23, KNOMAD, Washington D.C. |
Hanafi, S. | |
2017 | Indicators for Human Rights of Migrants and their Families in Tunisia. KNOMAD Working Paper 24, KNOMAD, Washington D.C. |
International Labour Office | |
2010 | Manual on Decent Work Indicators. Guidelines for Producers and Users of Statistical and Legal Framework Indicators. International Labour Organization, Geneva. |
International Labour Office | |
2010 | International Labour Migration: A Rights-based Approach. International Labour Organization, Geneva. |
Organization of American States (OAS) | |
2015 | Progress Indicators for Measuring Rights under the Protocol of San Salvador. OAS, Washington D.C. |
- 1La Déclaration universelle n'est pas un traité, elle ne nécessite donc pas de ratification et ne crée pas directement d'obligations juridiques pour tous les membres de la communauté internationale. Cependant, elle est l'expression des valeurs fondamentales qui sont partagées par tous les membres. En outre, elle a eu une profonde influence sur le développement du droit international des droits de l'homme et elle est désormais considérée comme un droit international coutumier.