
Données sur la migration en Amérique du Sud
Dans l’histoire des nations sud-américaines, trois grands schémas migratoires ont défini la migration dans la région : le premier correspond à l’immigration en provenance d’outre-mer ; le deuxième concerne la migration intrarégionale et le troisième fait référence à l’émigration des Sud-Américains vers les pays développés.
Ces dernières années, des millions de Sud-Américains ont fait le choix de la migration intrarégionale. Plusieurs accords adoptés dans le cadre des processus d’intégration régionale ont contribué à renforcer la migration intrarégionale et à permettre aux migrants d’accéder aux droits sociaux.
Plus récemment, la pandémie de COVID-19 a eu des incidences sur la migration et la mobilité humaine dans la région, les pays ayant restreint les mouvements internationaux, transfrontaliers et internes pour réduire la propagation et les incidences de la pandémie. Afin d’offrir aux non-nationaux (et, par essence, à l’ensemble de la population) une protection adéquate pendant la crise, certains pays d’Amérique du Sud ont procédé à des ajustements des mécanismes administratifs de façon à garantir la régularité du statut migratoire des non-nationaux et leur accès aux droits sociaux.
En ce qui concerne les données sur les migrations, les principales sources de données nationales et régionales, telles que les offices nationaux de statistiques (INE en espagnol) et le Système d’observation permanente des migrations internationales pour les Amériques (SICREMI, comme on l'appelle en espagnol), collectent des données et analysent les tendances. Récemment, la plupart des pays de la région ont investi dans l'amélioration de la gestion des migrations, ce qui a jeté les bases pour obtenir de meilleures données sur les migrations.
Tendances récentes
Au cours des deux dernières décennies, la migration internationale dans la région a connu des changements en termes de direction, d’intensité et de composition des flux migratoires ; le rôle que certains pays ont joué au sein du système migratoire international a également changé. Dans ce contexte, la migration internationale contemporaine en Amérique du Sud présente trois schémas définis.
Migration intrarégionale
Les disparités en matière des possibilités économiques et du travail sont les principaux facteurs qui ont favorisés la migration au sein de la région, à l’exception des migrants Colombiens qui se sont déplacés vers l’Equateur et la République Bolivarienne du Vénézuéla (ci-après dénommée « Vénézuéla ») en réaction à la situation politique interne et aux problèmes de sécurité liés au trafic de drogue au cours de la seconde moitié du 20e siècle. Ces dernières années, le contexte économique négatif, le manque d’accès aux services sociaux de base tels que les soins de santé et la nourriture, le manque d’argent en liquidité et la polarisation politique ont été les principaux moteurs de l’émigration vénézuélienne.
Au cours des dernières années, la mobilité intrarégionale a augmenté en raison de la diffusion des moyens de communication, de la baisse des coûts de transport et, essentiellement, de la situation politique dans la région avec la mise en œuvre des mécanismes d’intégration régionale qui ont facilité la mobilité. En outre, les pays de destination traditionnels des migrants Sud-américains (hors de la région) ont mis en œuvre des politiques plus restrictives, ce qui a entraîné une baisse de leur popularité en tant que pays de destination.
Les migrants intrarégionaux ont eu pour principale destination la régione Sud : L'Argentine, le Chili et le Brésil sont les pays qui attirent la majorité des migrants de la région, procédant principalement des pays andins et du Paraguay. D'autre part, depuis que la Colombie a entamé des négociations de paix en 2016 et 2017 après cinq décennies de conflit, et que les perspectives sociales et économiques du Vénézuéla ont commencé à se dégrader, de nombreux Colombiens sont rentrés dans leur pays et un nombre considérable de Vénézuéliens ont migré vers la Colombie. En juillet 2021, 4,1 millions de réfugiés et de migrants de la République Bolivarienne du Vénézuéla étaient enregistrés en Amérique du Sud, dont 43% en Colombie, suivie du Pérou avec 830 000 et du Chili avec 455 500 (R4V, 2021).
Migration extrarégionale
Au cours des dernières années, le nombre d’immigrés en provenance d’autres régions a augmenté de manière significative dans la région, avec des ressortissants de certains pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale, des Caraïbes et d’Europe, représentant 21% de l’immigration totale (OIM, 2021).
Si la migration Sud-Sud n’est pas un phénomène nouveau dans la région, l’on a constaté au cours de la première décennie du 21e siècle une augmentation significative de la migration en provenance d’Afrique et d’Asie, en raison de politiques de plus en plus restrictives en Europe et en Amérique du Nord, ainsi que de positions libérales concernant les demandes de visa dans certains pays d’Amérique du Sud (OIM, 2017b). Les immigrés extrarégionaux ont tendance à être plus vulnérables que les migrants régionaux, car ils sont souvent confrontés à des difficultés liées à l’accès au statut de migrant régulier (et par conséquent au travail protégé), ainsi qu’à des barrières linguistiques et culturelles, entre autres (OIM, 2020b). Les flux migratoires extrarégionaux se composent principalement de réfugiés/demandeurs d’asile, de migrants économiques et de migrants irréguliers (OIM, 2017b).
L'Immigration Asiatique est ancienne, notamment en provenance de la République populaire de Chine, du Japon et de la République de Corée. On observe également de nouvelles nationalités d'origine : Bangladesh, Inde, Pakistan, Népal, République Arabe Syrienne entre autres. Bien que l'impact sur la population soit faible en termes quantitatifs, l'augmentation de ce flux migratoire entre 2010 et 2020 est de 37,8% (OIM, 2020b).
La migration en provenance de la république de la Chine et de la Corée est toujours dynamique, avec des degrés de croissance variable dans certains pays, comme le démontre l’augmentation du nombre de permis de séjour délivrés aux ressortissants de ces pays (OIM, 2017b). Le nombre de Syriens dans la région a récemment augmenté en raison du conflit en République arabe syrienne. Dans ce contexte, certains pays d’Amérique du Sud ont accordé des visas humanitaires et ont mis en œuvre des programmes de réinstallation (OIM, 2017b).
Ces dernières années, la population Africaine a augmenté (37% entre 2010 et 2019) et les nationalités se sont diversifiées. Actuellement, les principales nationalités africaines de la région sont l'angolaise, la marocaine et la sud-africaine. De nouvelles nationalités sont issues de pays de la Corne de l'Afrique, du Nigéria, de la République démocratique du Congo et de l'Égypte, entre autres (OIM, 2020b).La majorité des demandeurs d’asile au Brésil viennent d’Afrique, en particulier du Sénégal, du Nigeria, du Ghana et de la République démocratique du Congo (OIM, 2017b). En ce qui concerne la migration en
provenance des Caraïbes, l’on a constaté ces dernières années une augmentation de la présence dans la région de ressortissants de la République Dominicaine, d’Haïti et de Cuba, dont certains transitent par la Colombie pour rejoindre le Panama par la route du Darien Gapen vers les Etats-Unis et le Canada (OIM, 2020b). On a recensé en outre une augmentation notable des permis de séjour, des visas humanitaires et des amnisties spéciales délivrés par les voies normales ; la majorité d’entre eux au Brésil, au Chili, en Argentine et en Uruguay (OIM, 2017b).
Emigration extrarégionale : les Sud-Américains à l’étranger
L’émigration existe depuis longtemps en Amérique du Sud ; au cours des dernières décennies, elle a augmenté en raison des déficiences sociales et économiques dans des pays de la région. Après la crise financière de 1999 en Equateur, par exemple, un important exode Equatorien a eu lieu vers l’Espagne, selon les données de l’Institut national espagnol de la statistique. L’Espagne accueille également une proportion importante de migrants Vénézuéliens, Péruviens et Colombiens. L’émigration des ressortissants de la région vers l’Amérique du Nord (principalement des Brésiliens, des Vénézuéliens et vers les États-Unis) constitue un autre schéma migratoire traditionnel (OIM, 2021).
En ce qui concerne l’Amérique du Nord, les données recueillies montrent que les États-Unis sont le pays de destination le plus courant dans cette région, choisi par 68 % des migrants d’Amérique du Sud. Le Mexique, destination prévue pour 14 % des migrants, arrive en deuxième position, tandis que le Canada, d’où se rendent 7 % des migrants, est la troisième destination choisie selon un rapport récent (OIM, 2020).
Tendances passées et présentes
Tout au long de l'histoire des nations sud-américaines, depuis leur constitution en république au début du XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui, quatre grands schémas migratoires se distinguent :
L’immigration au cours de la période coloniale
L’immigration transocéanique, née au 16e siècle pour des raisons mercantiles et stratégiques, a laissé son empreinte en Amérique du Sud. Les puissances européennes, principalement l’Espagne et le Portugal, étaient en concurrence pour l’accès aux sources d’approvisionnement et aux matériaux et pour le contrôle des lieux stratégiques. La pénurie de main-d’œuvre a été comblée par la traite des esclaves ou la migration forcée. Des millions d’esclaves d’Afrique sont arrivés par bateau dans les territoires du nord de cette région (principalement au Brésil, en Colombie et au Venezuela). Après l’abolition de l’esclavage au milieu du 19e siècle, la région a connu l’émergence du travail contractuel, presque forcé, s’appuyant sur une main-d’œuvre qui provenait principalement de l’Inde et de la République de Chine,. Ces mouvements de population pendant la période coloniale ont eu pour conséquence l’existence de communautés importantes, telles que les afro-descendants.
L’immigration outre-mer entre 1850 et 1950
La révolution industrielle et l’émergence de nouvelles technologies industrielles ont contribué au voyage d’un grand nombre de personnes d’Europe vers l’Amérique du Sud. Près de 9 millions de personnes sont arrivées dans la région (38 % d’Italiens, 28 % d’Espagnols et 11 % de Portugais) ; la moitié s’est installée en Argentine, plus d’un tiers au Brésil et une partie en Uruguay, avec des incidences plus importantes dans les villes (Pardo, 2018). La crise mondiale de 1930 et le début de la Seconde Guerre mondiale ont interrompu les flux migratoires ; ils ont repris en 1945 avec l’émigration des Espagnols et des Italiens qui ont été déplacés par la guerre et par la formation de l’Union des républiques socialistes soviétiques (ibid.).
La migration dans la seconde moitié du 20e siècle
La période des années 1950 au début du 21e siècle a été marquée par la coexistence de la migration intrarégionale et extrarégionale. La migration intrarégionale résulte de l’échange de populations entre les pays de la région, facilité par la proximité géographique et culturelle, et motivé par des facteurs structurels tels que les inégalités de développement économique et sociopolitique. Les pays de destination, principalement l’Argentine et le Venezuela, pouvaient offrir des emplois et présentaient des degrés plus élevés d’équité sociale. La migration intrarégionale vers l’Argentine a considérablement augmenté dans les années 1960, les immigrés travaillant principalement dans le bâtiment, le commerce, l’industrie textile et l’agriculture ; les travailleuses migrantes étaient principalement employées dans le service domestique. Au Venezuela, une manne pétrolière dans les années 1970 a généré une croissance économique rapide et une demande de main-d’œuvre, attirant en premier lieu des migrants colombiens et, dans une moindre mesure, des migrants des pays andins (Bolivie, Équateur et Pérou) et du Chili. Les migrants travaillaient dans les activités commerciales, les restaurants et les hôtels, les services sociaux et personnels, l’industrie manufacturière, l’agriculture et le bâtiment. Dans les années 1990, d’autres pays comme le Brésil et le Chili sont également devenus des pays de destination pour les migrants intrarégionaux en raison de leur croissance économique1.
Migration extrarégionale vers les pays développés
Au cours des dernières décennies, tandis que l’immigration en provenance d’outre-mer a diminué et que le modèle intrarégional s’est stabilisé, l’immigration en provenance d’Amérique du Sud a augmenté. La migration extrarégionale était motivée par des causes sociales, économiques et politiques telles que les ruptures et le rétablissement de formes démocratiques de gouvernement, qui ont généré des mouvements migratoires forcés entre les années 1960 et 1980. Le manque de travail, les bas salaires, les faibles perspectives de croissance individuelle et collective, la mauvaise qualité des biens et services sociaux, entre autres, ont stimulé l’exode permanent des populations vers les États-Unis et l’Europe principalement, tant de migrants hautement qualifiés que de travailleurs manuels dans des secteurs moins spécialisés. Au sud du continent, ces années ont notamment été caractérisées par le déplacement d’exilés politiques, tant en Europe qu’en Amérique du Nord. Dès le début des années 1990, la plupart des pays de la région ont connu une accélération de la migration extrarégionale, alimentée par les crises économiques et sociales (et, dans le cas de la Colombie, par l’intensification du conflit armé). Au cours des dernières décennies, les destinations extrarégionales de la migration sud-américaine se sont élargies, principalement vers l’Europe, où l’Espagne est la principale destination, suivie de l’Italie, puis des Pays-Bas, du Portugal, de la France et du Royaume-Uni, pour atteindre un total de 4,1 millions de migrants sud-américains vers 2020 (DAES, 2020).
Sources des données
Les instituts nationaux de la statistique (INE), qui dépendent généralement du ministère de l’Économie, sont responsables de la conception et de la mise en œuvre des recensements et des enquêtes sur les ménages dans tous les pays d’Amérique du Sud. Les INE produisent des données sur les populations de migrants exclusivement à partir de recensements et d’enquêtes sur les ménages, et dans très peu de cas, produisent des données sur les flux de migrants à partir de dossiers administratifs.
Dans la région, tous les pays ont réalisé deux recensements ou plus entre 1980 et 2018, et certains (l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, le Paraguay et le Venezuela) ont réalisé tous les cycles de recensement au cours des quatre dernières décennies. Tous les pays d’Amérique du Sud effectuent des enquêtes auprès des ménages, dont certaines portent sur des sujets tels que l’immigration, l’émigration, la mobilité temporaire et les rapatriements de fonds.
Parmi les organismes chargés de recenser et de diffuser les informations provenant des registres administratifs, les directions générale ou nationale de la migration, qui dépendent généralement des ministères de l’intérieur, sont responsables de l’enregistrement des entrées et des sorties, ainsi que des registres de résidence. Les dossiers des demandeurs d’asile constituent également des dossiers administratifs pertinents, et sont généralement gérés par une Commission nationale pour les réfugiés, en coopération avec le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Parmi les autres organismes qui travaillent avec des dossiers administratifs, l’on peut citer le ministère du travail et de l’emploi, qui est généralement chargé de collecter des données sur les permis de travail des migrants dans le pays, et la Direction générale des affaires consulaires du ministère des affaires étrangères, chargée de la protection et de l’assistance aux ressortissants à l’étranger et de tenir un registre consulaire des ressortissants enregistrés.
Au niveau régional, il existe deux initiatives importantes pour produire des connaissances dans le domaine de la migration. L’une d’elles est l’Étude de la migration internationale en Amérique latine (IMILA). L’autre est le Système d’observation permanente des migrations internationales pour les Amériques (SICREMI), qui produit des rapports semestriels.
Récemment, la Matrice de suivi des déplacements (MSD) de l’OIM a été déployée afin de recueillir des informations sur la mobilité de la population vénézuélienne en Amérique latine et dans les Caraïbes. Des enquêtes de surveillance des flux ont notamment été mises en œuvre depuis 2016, en commençant par la Colombie. La MSD a été mise en œuvre dans des lieux de transit et d’installation dans des pays d’Amérique du Sud tels que l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, l’Équateur, le Pérou et l’Uruguay.
Points forts et limites des données
Points forts
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Tous les pays de la région sud-américaine appliquent des méthodologies internationales pour évaluer la couverture et la qualité des informations divulguées et diffusées dans leurs données.
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La plupart des pays de la région ont récemment investi dans l’amélioration de la gestion des migrations, par l’intégration de systèmes avancés de reconnaissance informatique, d’équipements et d’infrastructures ainsi que par la formation d’agents de la migration. Ces progrès n’ont toujours pas permis d’améliorer de manière significative la qualité des données recueillies. Cependant, ils ont créé les conditions pour une potentielle amélioration des données sur la migration.
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Registres administratifs : La création de la carte de migration andine (Andean Migration Card), qui couvre la Bolivie, la Colombie, l’Équateur et le Pérou, a permis d’enregistrer les flux entrants et sortants entre ces pays. Les enregistrements des entrées et sorties par les points de contrôle de l’immigration sont traités et communiqués régulièrement. Sur la base de l’instrument d’enregistrement commun, la comparabilité des données a été assurée.
Il convient de souligner que ces dernières années, en raison de l’accord de résidence du Mercosur, les registres de résidence sont devenus une source de données fiable pour étudier la migration intrarégionale (OIM, 2018a). Parmi les exemples les plus marquants, l’on peut citer l’Argentine et le Chili, qui disposent de structures complètes pour le traitement des statistiques sur les permis de séjour accordés.
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Enquêtes auprès des ménages : L’objectif des enquêtes auprès des ménages est d’étudier les conditions de vie de la population générale. Dans la plupart des pays de la région, ces enquêtes génèrent des informations pertinentes sur la migration grâce à l’inclusion de questions spécifiques. L’enquête sur les conditions de vie (Équateur) comprend, par exemple, des questions spécifiques sur l’émigration. Elles concernent les personnes qui ont migré pour des questions d’emploi. En outre, au Pérou, l’institut national de la statistique et de l’information (INEI) intègre des questions relatives à la migration dans diverses enquêtes non périodiques auprès des ménages et dans d’autres types d’enquêtes.
Points faibles
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Bien que les sources de données ci-dessus fournissent aux agences gouvernementales des informations utiles sur la migration internationale qui peuvent être comparées avec d’autres pays de la région, les sources de données sont encore largement dispersées entre les agences, ne sont pas consolidées et manquent de coordination.
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La communication entre les détenteurs d’informations officielles sur la migration est insuffisante. Dans ce contexte, le cas des pays andins doit être pris en compte. À la demande de la Communauté andine des nations (CAN), un dialogue méthodologique a été instauré entre les acteurs de la collecte de données (c’est-à-dire les instituts nationaux de la statistique, les autorités des organisations œuvrant dans le domaine de la migration et les banques centrales). Par conséquent, les données entre les quatre pays sont comparables. En outre, les rapports sur les rapatriements de fonds publiés par les quatre banques centrales participantes ont été homogénéisés au point de faire l’objet de rapports communautaires trimestriels.
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Registres administratifs : Les informations statistiques provenant des registres administratifs des arrivées et départs internationaux dans la région présentent des lacunes en termes de couverture et de qualité. Tout d’abord, un grand nombre de mouvements ne sont pas enregistrés, car de nombreux migrants évitent de passer par les douanes et/ou les postes frontière, notamment fluviaux et terrestres. En outre, les registres comptabilisent également des mouvements qui ne peuvent être inclus dans le concept statistique de migration, tels que les arrivées de touristes et les transits frontaliers ; il est donc difficile de distinguer les mouvements migratoires à l’intérieur et à l’extérieur de la région. Étant donné qu’il est impossible d’identifier les différents types de flux, il est également difficile de connaître précisément le volume des mouvements migratoires.
Bien que les registres consulaires constituent une source de données utile sur les ressortissants à l’étranger et la diaspora, seul un petit pourcentage de la population à l’étranger est en contact avec les consulats. Compte tenu de l’augmentation du volume des ressortissants à l’étranger ces dernières années, et de l’évolution vers une politique de rapprochement, les registres consulaires ont été élargis et améliorés.
Acteurs et processus régionaux
Plusieurs mécanismes d’intégration régionale, tels que la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (CELAC), l’Union des nations sud-américaines (UNASUR), la Communauté andine des nations (CAN) et le Marché commun du Sud (MERCOSUR) ont facilité la mobilité intrarégionale. Au cours des dernières décennies, la CAN et le MERCOSUR ont particulièrement encouragé la migration intrarégionale en favorisant la promotion du libre transit et de la résidence permanente des citoyens de la région par la facilitation de l’entrée, des procédures migratoires et de l’accès aux documents et aux droits sociaux des migrants.
Processus d'intégration régionale et sous-régionale
1. La Communauté Andine des nations (CAN) a été créée en 1969 par l’Accord de Carthagène et regroupe 4 pays : la Colombie, l’Équateur, le Pérou et la Bolivie. Son principal objectif est de parvenir à un développement intégral, égal et autonome, grâce à l’intégration andine, sud-américaine et latino-américaine. Pour atteindre cet objectif, les États Membres conviennent de politiques et de projets communs, notamment dans les domaines politique, social, culturel, environnemental et commercial.
Les réalisations de la CAN sont notamment : la « citoyenneté andine », qui reconnaît les droits d’environ 100 millions de personnes ; la création d’une zone de libre-échange qui dépasse déjà les 10 000 millions de dollars É.U. par an ainsi que des avancées dans la définition d’un plan andin de développement humain et de migration. La CAN a également créé :
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La carte migratoire andine (TAM) : Document obligatoire pour le contrôle migratoire et statistique à l’entrée et à la sortie du territoire des États membres. Elle facilite et simplifie le contrôle de la circulation des personnes qui entrent et sortent des États membres, favorisant l’intégration andine et encourageant le tourisme.
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Des zones d’intégration frontalière (ZIF) : Espaces territoriaux frontaliers des États membres créés pour favoriser l’intégration frontalière de manière conjointe, partagée, coordonnée et orientée afin d’obtenir des avantages mutuels.
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Des centres binationaux d’assistance frontalière (CEBAF) : Ils comprennent les voies d’accès, les enceintes, les équipements et le mobilier nécessaires pour fournir un point de contrôle intégré des douanes et de l’immigration.
2. Le Marché commun du Sud (MERCOSUR)
Le MERCOSUR a été créé par l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay en 1991 avec l’objectif de réaliser un marché commun. Au fil des ans, il s’est étendu pour établir des accords de libre-échange avec la Bolivie, le Chili, la Colombie, l’Équateur, le Pérou et le Vénézuéla. Dès le début, la migration de main-d’œuvre a été incluse comme un sujet important dans l’accord. En outre, le traité d’Asunción (1991) précise que le principal objectif du MERCOSUR est d’établir la libre circulation des biens, des services et des produits entre les pays. Les États Membres ont convenu d’établir une redevance extérieure commune, d’adopter une politique commerciale commune avec les autres pays, de coordonner les politiques macroéconomiques et sectorielles et de s’engager à harmoniser la législation dans les domaines pertinents.
En 2002, la région a franchi une étape fondamentale vers la libre circulation des personnes et la promotion des droits des migrants grâce à l’accord sur la résidence des ressortissants des États parties du MERCOSUR, ainsi que de la Bolivie et du Chili (étendu ensuite à la Colombie, à l’Équateur et au Pérou). Cet accord a établi des règles communes pour les citoyens des pays signataires sollicitant un permis de séjour dans les pays signataires autres que leur pays d’origine. La réglementation comprend des critères de « nationalité MERCOSUR » qui, avec l’absence de casier judiciaire et la présentation de certains documents personnels, constituent les conditions de base pour obtenir un permis de séjour.
L’accord promeut également l’égalité des droits entre migrants et autochtones. Il élargit une série de droits, tels que le droit à l’entrée, à la sortie, à la santé, à l’éducation, au regroupement familial, au travail et au libre transfert de rapatriements de fonds, entre autres. L’accord exempte également les migrants en situation irrégulière qui répondent aux critères et obtiennent un permis de séjour de payer des pénalités ou des sanctions monétaires en raison de leur situation irrégulière.
Depuis la validation de l’accord en 2009, les pays l’utilisent pour gérer les permis de séjour ou les visas, en facilitant les procédures et en réduisant les délais de traitement des demandes. En conséquence, le nombre de permis de séjour accordés a sensiblement augmenté. Plus de 2 millions de permis ont été accordés ; c’est l’Argentine qui en a délivré le plus, suivie du Chili et du Brésil.
Nombre total de permis de séjour (temporaires et permanents) délivrés dans le cadre de l’accord sur les ressortissants des États parties du MERCOSUR, 2009-2020
Source : Élaboré par l’OIM D’après les données fournies par les gouvernements.
Mécanismes de consultation dans la région
1. La Conférence sud-américaine sur les migrations (SACM) est un processus consultatif régional créé en 2000 avec la participation de l'Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Chili, de la Colombie, de l'Équateur, de la Guyane, du Paraguay, du Pérou, du Suriname, de l'Uruguay et du Venezuela. Cet espace intergouvernemental vise à contribuer à une politique migratoire régionale, à promouvoir l'échange d'idées, d'expériences et de bonnes pratiques. Le processus de la Conférence implique la participation des douze gouvernements sud-américains et inclut des organisations internationales (dont l'OIM, qui fait office de secrétariat technique), des représentants de la société civile et d'autres gouvernements spécifiques en tant qu'observateurs, les gouvernements membres étant habilités à préparer des documents contenant des recommandations pour les politiques migratoires des pays.
La SACM a accompagné les changements des politiques migratoires dans la région au cours des 20 dernières années et plaide pour l'approfondissement des synergies avec le MERCOSUR, la CAN, la Conférence régionale sur les migrations et d'autres espaces régionaux, tout en réitérant son engagement envers l'Agenda 2030 et les Objectifs de développement durable en accompagnant l'évolution du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et du Pacte mondial sur les réfugiés.
2. Le Réseau ibéro-américain des autorités migratoires (RIAM) a été créé en 2012 et constitue un espace d'échange de bonnes pratiques et de coopération entre les autorités migratoires participantes. Les pays membres sont l'Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, la République dominicaine, l'Équateur, le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Panama, le Paraguay, le Pérou, l'Espagne, l'Uruguay et le Venezuela. Les pays partenaires sont l'Australie, le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni.
Le RIAM vise l'échange d'informations et de formations, ainsi que l'unification des critères et des mesures concernant les crimes internationaux touchant les migrants, tels que la traite des personnes, le trafic de migrants et la falsification de documents, dans la région, conformément aux cadres juridiques et aux réglementations de chaque pays.
3. Le processus de Quito est né en 2018 dans le but de générer des échanges techniques, des informations et des bonnes pratiques sur la mobilité humaine des migrants et réfugiés vénézuéliens en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ses déclarations sont non contraignantes, ses pays membres sont l'Argentine, le Brésil, la Bolivie, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, l'Équateur, la Guyane, le Mexique, le Panama, le Paraguay, le Pérou, la République dominicaine et l'Uruguay. Le processus de Quito compte un groupe de pays amis composé du Canada, de la France, de l'Allemagne, des Pays-Bas, de l'Italie, de l'Espagne, de la Suisse, du Royaume-Uni et des États-Unis.
Lire plus
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